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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/345

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toujours habita les hautes et pures régions. Noble de nature, au-dessus de tout intérêt et de tout besoin, personne n’a plus que lui honoré la pauvreté. C’était un enfant de Limoges, très heureusement né, doux et un peu lent, qui fut distingué entre tous par le grand Turgot, alors intendant du Limousin, et envoyé par lui aux écoles de Bordeaux. Il justifia à merveille cette sorte de paternité. Au barreau, à l’Assemblée, parmi des crises si violentes, Vergniaud garda une âme profondément humaine. Il avait beau être orateur, il fut toujours homme ; dans ses sublimes colères de tribune, on entend toujours quelque accent de nature ou de pitié. Au sein d’un parti violent, aigri, disputeur, il resta étranger à l’esprit de dispute qui rabaisse tout. On accusa son indécision, une sorte de mollesse et d’indolence dont son caractère n’était pas exempt. On disait que son âme semblait souvent errer ailleurs. Ce n’était pas sans raison. Cette âme, il faut l’avouer, dans le temps où la patrie l’eût réclamée tout entière, elle habitait dans une autre âme. Un cœur de femme, faible et charmant, tenait comme enfermé ce cœur de lion de Vergniaud. La voix et la harpe de Mlle Candeille, la belle, la bonne, l’adorable, l’avaient fasciné. Pauvre, il fut aimé, préféré de celle que la foule suivait. La vanité n’y eut point part, ni les succès de l’orateur, ni ceux de la jeune muse dont une pièce obtenait cent cinquante représentations. Ils furent liés d’un lien indissoluble par leur attribut commun, la bonté. Et ce lien fut si fort, que Vergniaud le