préféra à la vie. Il aima mieux mourir près d’elle que de s’en éloigner un instant. Lorsque la mort se présenta, il pouvait bien s’y soustraire ; il semble avoir dit tranquillement : « Mourir tout à l’heure ? Volontiers. Mais je veux aimer encore. »
Ce doux sujet m’a mené un peu loin de la bataille ; j’y reviens. La nécessité de proposer des mesures efficaces et fortes contre les émigrés dicta à Vergniaud un discours sévère, mais qui ne confirme pas moins ce que nous venons de dire du caractère profondément humain du grand orateur. Dans cette dure circonstance où le roi allait avoir à sanctionner une loi qui menaçait ses frères d’un châtiment capital, Vergniaud seul posa l’objection du cœur et de la nature. Il s’adressa au roi lui-même et s’efforça de le transporter dans la région héroïque de ces antiques pères du peuple qui immolèrent la nature à la patrie. Il dit noblement : « Si le roi a le chagrin de ne pas trouver en ses frères l’amour et l’obéissance, qu’ardent défenseur de la liberté, il s’adresse au cœur des Français, il y trouvera de quoi se dédommager de ses pertes. »
Ce discours, noblement équilibré de qualités si contraires, posant fortement la justice, mais nullement oublieux de l’humanité, laissa beaucoup d’admiration, peu d’entraînement. L’orateur établissait les principes. Quant au succès, insoucieux, dans la majesté du courage, il s’en remettait au destin. L’Assemblée salua son grand orateur, en le portant le lendemain à la présidence. Elle n’adopta pas ses