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« Est-ce que vous ne voyez pas à la voûte que les drapeaux qui y sont suspendus sont armés de piques ? Et qui songe à y trouver à redire ? Mettons plutôt désormais une pique à chaque drapeau ! et que ce soit l’alliance éternelle des piques et des baïonnettes ! » Tonnerre d’applaudissements. Les piques obtiennent l’entrée.

C’était la folie du jour, l’universel engouement, touchant, ridicule. Au faubourg Saint-Antoine, la femme d’un tambour étant accouchée d’une fille, l’enfant fut tenue sur les fonts par un vainqueur de la Bastille, Thuriot, baptisée par un vainqueur, Fauchet. Un drapeau de la Bastille était sur les fonts avec un bonnet de liberté. L’orgue jouait le Ça ira ! Le père fit, pour la petite, le serment civique. Elle fut baptisée d’un nom, nouveau au calendrier : Pétion-Nationale-Pique.

La guerre devenait certaine. Le souverain qui y était le plus contraire, Léopold, mourut subitement le 1er mars. Et la Gironde renversa le ministre par lequel la cour, d’accord avec Léopold, avait réussi jusque-là à entraver le mouvement.

Le 18 mars, Brissot accusa solennellement, pièces en mains, le ministre Delessart d’avoir constamment éludé l’exécution des volontés de l’Assemblée, d’avoir lâchement négocié la paix près de l’Empereur, qui lui-même en avait besoin, qui alors n’était pas prêt et devait craindre la guerre.

Cette démarche, imprévue, hardie, était un coup sur le roi même. Il était trop visible que Deles-