Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/412

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devint un proverbe. Il allait tout droit devant lui, la tête basse, coudes serrés, dans son vieil habit, dévot à sa coterie, à son idée, prêt à lui sacrifier tout. Et, avec cela, léger pourtant, s’évaporant en choses imprudentes ; aimant peu, ne haïssant point, n’ayant rien de ce fiel amer qui caractérise les vrais moines, les inquisiteurs de l’époque ; je parle des Jacobins, du grand Jacobin Robespierre.

Celui-ci devait absorber Brissot dans un temps donné.

Toutefois, au premier moment, Brissot et les Girondins n’ayant encore rien fait, l’attaque n’avait pas prise. Nul fait. Au défaut, Robespierre trouva un roman, et, sous forme plus ou moins voilée, l’exposa, le développa, en nourrit les Jacobins pendant plusieurs mois. Le roman n’est rien autre chose qu’une profonde, mystérieuse alliance entre La Fayette et la Gironde. Les Mémoires de La Fayette nous ont appris suffisamment que cette entente n’avait jamais existé que dans l’esprit de Robespierre. Loin de là, on voit que La Fayette, indulgent pour tous les partis, et qui, en général, ne haïssait guère, haït pourtant les Girondins. Dans ce livre, partout si froid, il ne s’émeut qu’à leur nom ; il parle de tous, de Roland, de Brissot, avec une antipathie profonde, sous forme aristocratique. En face de la Gironde, il redevient un grand seigneur méprisant, un véritable marquis.

Le plus curieux, c’est que, pour rendre le roman plus grave, pour faire peur et noircir les ombres,