Robespierre fait un La Fayette purement de fantaisie ; forte et dangereuse tête sur laquelle la cour « a de grands desseins ». Il se garde bien de voir que La Fayette est fini ; qu’à Paris, dans la bourgeoisie, dans la garde nationale, où les fayettistes étaient restés plus nombreux que partout en France, il n’a pu, aux élections, réunir que trois mille voix contre les sept mille de son adversaire.
Brissot lui répondit avec un vigoureux bon sens et comme eût répondu l’histoire : « Quoi ! La Fayette, un Cromwell ? Vous ne connaissez donc point ni votre siècle ni la France ? Cromwell avait du caractère, et La Fayette n’en a pas… En eût-il, la race des Brutus est-elle finie ? La nation serait-elle assez lâche pour laisser la vie à l’usurpateur ?… Cromwell lui-même, s’il revenait, que pourrait-il faire ici ? Il allait à la puissance par deux avenues terribles qui n’existent plus : l’ignorance et le fanatisme. »
Sans contester ce qu’il y eut de beau et de noble dans La Fayette, il suffit de regarder un moment le front fuyant, la tête mince de l’honnête général, cette face un peu moutonnière, pour sentir tout ce qu’il y avait de ridicule à placer dans ce personnage un Bonaparte ou un Cromwell.
L’imagination maladive, la crédulité de la peur était le propre caractère de l’infiniment défiante société jacobine. Robespierre, jouant sur cette corde, était sûr de bien jouer. Il suffisait de montrer toujours de loin, dans le brouillard, je ne sais quoi d’un vague effrayant. Lisez tous ses discours