Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/423

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et Buffon, s’arrête en quelque sorte, se fixe en plusieurs de ses résultats, se cristallise en Rousseau. Cette fixité de Rousseau est un secours et un obstacle. Ses disciples ne reçoivent plus la matière fluide et féconde ; ils la prennent de lui, en cristaux, si j’ose dire, sous formes arrêtées, inflexibles, rebelles aux modifications. Hors ces formes, au-dessus, au-dessous, ils ne connaissent rien et ne peuvent rien.

Un signe qui les condamne, c’est, en admettant le dernier résultat du dix-huitième siècle, d’en rejeter la grande tradition qui amena ce résultat, de ne pas voir, entre autres choses, que Voltaire n’est point opposé à Rousseau, mais son correspondant symétrique, naturel et nécessaire, que, sans ces deux voix qui alternent et se répondent, il n’y eût pas eu de chœur. Pauvres musiciens, ignorants de l’harmonie, qui croient accorder la lyre en ne gardant qu’une corde. L’unité de ton, la monotonie au sens propre, cette chose anti-littéraire, anti-philosophique, propre à stériliser l’esprit, fut pourtant, il faut l’avouer, pour Robespierre, un très bon moyen politique. Il toucha toujours même corde, frappa à la même place. Ayant affaire à un public ému d’avance, avide, infatigable et que rien ne rebutait, sa monotonie le rendit très fort. Il en usa, en toutes choses, non dans la parole seulement, mais dans la vie, la démarche, le costume, de sorte qu’en cet homme identique, en cet invariable habit, en cette coiffure toujours la même, en ce gilet proverbial, on lut toujours les mêmes idées, on trouva la même formule, ou plutôt que la personne tout