Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/424

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entière apparut comme une formule qui parlait et qui marchait.

Ce fut un moment solennel, digne de l’attention des penseurs, celui où, par la voix de Brissot, la philosophie du dix-huitième siècle demanda compte à cette formule masquée sous un homme, à ce faux Rousseau, du vivant esprit qui avait fait, et ce siècle, et cette Révolution, et Rousseau avec ses imitateurs. Le dernier des philosophes était Condorcet ; son nom fut l’occasion, la prise par où Brissot saisit Robespierre, l’attaqua, le secoua. Reprenons d’un peu plus haut et voyons avec quel à-propos Condorcet fut amené dans ce discours très habile, de manière à tomber d’aplomb sur le maigre Jacobin du poids du grand siècle, du poids de la science et de la tradition, du poids de l’humanité.

Après s’être moqué du danger d’un La Fayette protecteur à la Cromwell : « Je mourrai, dit Brissot, en combattant les protecteurs et les tribuns. Les tribuns sont les plus dangereux. Ce sont des hommes qui flattent le peuple pour le subjuguer, qui rendent la vertu suspecte, parce qu’elle ne veut pas s’avilir. Rappelez-vous ce qu’étaient Aristide et Phocion ; ils n’assiégeaient pas toujours la tribune, mais ils étaient à leur poste. Ils ne dédaignaient aucun emploi (Robespierre refusait celui d’accusateur public) quand il était donné par le peuple. Ils parlaient peu, faisaient beaucoup ; ils ne flattaient pas le peuple, ils l’aimaient. Ils dénonçaient, mais avec preuves. Ils étaient justes et philosophes. Phocion n’en fut