Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

comparable à nos quatre millions de gardes nationaux armés ; que nulle n’aurait pu, d’un mot, en lever déjà cent mille, ainsi que nous l’avions fait. Les registres d’inscriptions des départements donnaient, en mars, l’étonnant résultat de six cent mille volontaires qui demandaient à partir.

C’était la voix de France, on ne pouvait la méconnaître. En vain le Feuillant Becquey insista, fit observer que, dans le fait, on allait déclarer la guerre non à l’Autriche, mais au monde, jeter le gant à tous les rois. En vain le Jacobin Bazire, organe en ceci du pur parti jacobin, s’étonna de voir une démarche si grave décidée si légèrement. Il essaya de reprendre le texte ordinaire de Robespierre, le danger de la trahison. À peine fut-il applaudi de deux ou trois membres et d’autant des gens des tribunes. Personne ne l’écoutait. L’enthousiasme entraînait tout. Il éclata à ce mot du député Mailhe : « Si votre humanité souffre à décréter en ce moment la mort de plusieurs milliers d’hommes, songez aussi qu’en même temps vous décrétez la liberté du monde. »

Aubert-Dubayet, une figure éminemment noble et militaire, se leva, prit la parole, saisit vivement l’Assemblée : « Quoi ! l’étranger a l’audace de prétendre nous donner un gouvernement ! Votons la guerre. Dussions-nous tous périr, le dernier de nous prononcerait le décret… Ne craignez rien. Dès que vous aurez décrété la guerre, tous seront bien obligés de se décider, les partis rentreront dans