Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/444

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de ne point devenir, par l’irritation que causerait leur présence, l’occasion de la guerre civile.

Ces instructions, rédigées sans doute par les Feuillants, que la cour consultait encore, furent confiées à un jeune Genevois, Mallet du Pan, dévoué au roi, zélé, plein de talent et d’esprit. Il parla avec beaucoup d’âme, avec la chaleur et le cœur d’un homme attendri sur les malheurs de la famille royale, et il gagna son procès. Il obtint des négociateurs réunis d’Autriche et de Prusse cette chose qui semblait difficile, que les émigrés, ceux qui avaient sacrifié leur patrie, leur fortune et leur existence à la cause royale ne fussent point employés pour elle ; du moins, qu’ils fussent divisés en plusieurs corps, employés à part, et, chose intolérable à cette orgueilleuse noblesse, placés en seconde ligne. C’était une solennelle déclaration de défiance que le roi semblait faire à ses plus ardents serviteurs. Il se fiait aux Allemands, Autrichiens et Prussiens, non aux Français de sa noblesse. Cela était-il politique ? L’invasion, ayant les émigrés pour avant-garde, aurait paru française encore, et la France aurait pu se dire, après tout, qu’elle était vaincue par la France. Ces Français, même aristocrates, s’ils restaient ensemble, s’ils constituaient une armée au sein de l’armée ennemie, la surveillaient, cette armée, et lui rendaient difficile de garder ce qu’elle prendrait. L’étranger devait entrer volontiers dans les vues de Louis XVI, diviser l’émigration ; elle était pour