Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/471

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Il y a des paroles dures, de nobles et tendres aussi, celle-ci qui est sublime : « Non, la patrie n’est pas un mot : c’est un être auquel on a fait des sacrifices, à qui l’on s’attache chaque jour par les sollicitudes qu’il cause, qu’on a créé par de grands efforts, qui s’élève au milieu des inquiétudes et qu’on aime autant par ce qu’il coûte que par ce qu’on en espère… » Suivent de graves avertissements, de trop véridiques prophéties sur les chances terribles de la résistance, qui forcera la Révolution de s’achever dans le sang.

Cette lettre eut le meilleur succès que pût espérer l’auteur. Elle le fit renvoyer. La reine, guidée par les Feuillants, crut pouvoir chasser du ministère la Gironde, le parti qui dirigeait l’Assemblée, ce qui n’allait pas à moins que de se passer de l’Assemblée et de gouverner sans elle. Étrange audace qui s’appuyait sur une supposition fort légère, à savoir, qu’on pourrait amener à un traité Dumouriez et les Feuillants, concilier les deux généraux ennemis de la Gironde, Dumouriez et La Fayette, et de ces deux épées briser la plume des avocats.

Le difficile était de décider Dumouriez à rester, en renvoyant Roland, Servan et Clavières, à rester pour porter seul l’indignation du public et de l’Assemblée. On y parvint au moyen d’un mensonge et d’une ruse puérile. Le roi trompa le ministre ; le simple et le bonhomme attrapa l’homme d’intrigues ; il fit entendre à Dumouriez qu’il pourrait sanctionner le décret des vingt mille hommes, et l’autre contre