Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/485

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d’un sublime jet, n’en firent pas moins un Dieu ; de même le grand artiste de la Révolution prenait de toutes parts les éléments purs et impurs, les bons et les méchants, les vertus et les vices, et, les jetant ensemble aux matrices profondes, il en faisait surgir la statue de la Liberté.

Il avait sous la main le Voltaire de la Révolution, Camille Desmoulins, et il ne s’en servit pas. Il gouvernait encore un artiste admirable, l’auteur du Philinte, Fabre d’Églantine, et il ne s’en servit pas. Il aimait mieux lancer des agents anonymes. Tout inconnu alors avait sur tout homme connu un avantage ; il s’appelait : Le peuple.

La scène qui va suivre fut-elle arrangée par Danton pour entraîner les Jacobins, ou bien fut-elle un fait tout spontané, une inspiration vraiment populaire ? Je n’essayerai pas de le demander.

Le 4 juin, le jour où les Feuillants avaient osé demander la mise en accusation de Pétion, un homme en veste, du faubourg Saint-Antoine, se présente aux Jacobins, et il enlève l’assemblée d’un discours admirable. Non de ces fades bavardages comme la société en entendait toujours. Un discours rude, hardi, profondément calculé, prodigieusement audacieux. La simplicité du génie est là, on ne peut le méconnaître.

Cet inconnu, fort de son habit d’ouvrier et de ses mains calleuses, parla, comme le paysan du Danube, au sénat jacobin, lui dit ses vérités. Pour faire passer la chose, il frappait aussi tout autour, sur