Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/488

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il se contenta de reproduire à peu près ce qui avait été déjà dit par un de ses hommes, Lacroix : qu’il fallait destituer les généraux, renouveler les corps électoraux, vendre les biens des émigrés, intéresser les masses à la Révolution, en rejetant presque tout impôt sur les riches. Il dit qu’il fallait que la reine fût répudiée, renvoyée avec égard et sûreté : Il dit : « Qu’une loi de Rome, rendue après Tarquin, permettait de tuer, sans jugement, tout homme qui seulement parlait contre les lois. » Et autres choses vagues et violentes qui pouvaient occuper la scène, donner pâture aux Jacobins, sans dévoiler nul projet actuel.

Dès le 14 cependant, Legendre, homme de passion naïve, sincère et colérique, que Danton tirait comme il voulait, était allé au faubourg Saint-Antoine s’aboucher avec l’homme influent du faubourg, le brasseur Santerre. Celui-ci, de race flamande, grand, gros et lourd, une espèce de Goliath, avait, sans esprit, sans talent (il y parut dans la Vendée), ce qui remue les masses, les apparences du courage, du bon cœur et de la bonhomie. Il était riche, donnait infiniment, du sien sans doute, mais aussi, on peut le croire sans peine, l’argent que les partis, orléaniste ou autre, voulaient distribuer. Commandant du bataillon des Quinze-Vingts, il pouvait entraîner le faubourg : on l’aimait. Il donnait des poignées de main à tout venant, et quelles poignées de main ! Tout gros brasseur qu’il était, officier supérieur avec de grosses épaulettes, allant, venant par le faubourg