abaissé jusqu’à cet âge la faculté de s’enrôler.
Il y avait des hommes mûrs, des hommes déjà grisonnants, qui ne voulaient pour rien au monde laisser une telle occasion et, plus lestes que les jeunes, partaient devant pour la frontière. On vit des choses étranges. Au fond de la basse Bretagne, le bonhomme La Tour d’Auvergne, très mûr d’âge, déjà retiré, laisse un matin les belles antiquités celtiques qui faisaient tout son bonheur, s’en va embrasser son maître, un vieux savant celtomane, part sans autre viatique que sa chère grammaire bretonne, qu’il portait sur sa poitrine et qui lui sauva des balles. Il entra, lui aussi, dans ces bandes, enrôlé de cinquante ans, et se mit héroïquement à former cette jeunesse.
Personne ne voyait ces choses sans émotion. La jeune audace de ces enfants, le dévouement de ces hommes qui laissaient là tout, sacrifiaient tout, tiraient les larmes des yeux. Tels pleuraient, se désespéraient de ne pouvoir partir aussi. Les partants chantaient et dansaient, lorsque les municipaux les menaient le soir à l’Hôtel de Ville. Ils disaient à la foule émue : « Chantez donc aussi, vous autres ! criez : « Vive la nation ! »
L’élan fut tel, la fermentation si grande, les cœurs et les imaginations si puissamment ébranlés, que ceux même qui venaient de décréter la Déclaration du danger de la patrie ne furent pas sans inquiétude ; ils s’effrayèrent de leur ouvrage. Brissot avertit le peuple « que la cour voulait une