Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/66

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si générale que tout à l’heure celles même de la reine semblent un moment révolutionnaires. Dès qu’elle revoit Mme Campan aux Tuileries, elle lui parle avec chaleur, avec émotion, de Barnave ; elle le loue, le justifie devant sa femme de chambre ! Elle adopte, à l’étourdie, dans son épanchement indiscret, le principe de la Révolution : « Un sentiment d’orgueil, dit-elle, que je ne saurais blâmer, lui a fait applaudir à tout ce qui aplanissait la route des honneurs et de la gloire pour la classe dans laquelle il est né. Point de pardon pour les nobles, qui (après avoir obtenu toutes les faveurs, souvent au détriment des non-nobles du plus grand mérite) se sont jetés dans la Révolution… Mais si jamais la puissance nous revient, le pardon de Barnave est d’avance écrit dans nos cœurs. » — L’Ancien-Régime est bien malade, lorsque la reine, suivant à l’aveugle une affection particulière, se fait, sans s’en apercevoir, l’apologiste de l’égalité.

La reine est-elle donc convertie ? Nullement. Elle suit la passion en ce moment, et dans un autre elle suit une passion contraire. Nous la voyons, en un mois, changer trois fois de pensées, selon la peur, le dépit, l’espoir. Dans le voyage, elle a peur, elle se serre contre Barnave, elle l’écoute, elle le croit. Aux Tuileries, elle est prisonnière, elle s’irrite, elle appelle l’étranger (7 juillet). Puis vient une lueur d’espoir, elle se remet à Barnave, aux constitutionnels, prie Léopold de ne point agir (30 juillet). Nous reviendrons sur tout ceci.