Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 3.djvu/67

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Cette variation étrange n’est pas particulière à la reine. Je la retrouve alors dans tous les personnages historiques qu’il m’est donné d’observer. Pour en commencer légitimement l’histoire, il faudrait remonter au héros commun, au modèle de la plupart des meneurs révolutionnaires, à Mirabeau ; c’est le maître en variations. Toutes lui étaient naturelles, en lui tous les principes contraires s’étaient donné rendez-vous ; la nature avait fait un monstre sublime, immoral à regarder. Gentilhomme, aristocrate jusqu’au ridicule, Monsieur le comte n’en avait pas moins par moments je ne sais quels réveils républicains des Riquetti de Marseille et de Florence. Sa furieuse histoire de la royauté, écrite au donjon, est déjà implicitement l’apologie de la république. Royaliste du moment qu’il a brisé la royauté, il fait des discours pour la reine, ce qui ne l’empêche pas de traduire, pour la Le Jay, sa maîtresse et son libraire, le livre de Milton, violemment républicain ; ses amis l’obligèrent de brûler l’édition. Faible pour ses amis, ses maîtresses et ses vices, faible encore par l’opinion qu’il avait des vices et de la faiblesse de la France, il regardait la république, non comme l’âge naturel de majorité où tout peuple adulte arrive, mais comme une crise extrême, une ressource désespérée : « S’ils ne sont pas raisonnables, disait-il, je les f… en république. »

On ferait un livre des variations de son disciple fidèle, du pauvre Camille. Nous le voyons, presque en même temps, pour et contre Mirabeau, pour et