Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/100

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appendu aux fenêtres de l’Hôtel de Ville. Drapeau immense qui flottait aux vents et semblait faire signe aux légions populaires de marcher en hâte des Pyrénées à l’Escaut, de la Seine au Rhin.

Pour savoir ce que c’était que ce moment de sacrifice, il faudrait, dans chaque chaumière, dans chaque misérable logis, voir l’arrachement des femmes, le déchirement des mères, à ce second accouchement plus cruel cent fois que celui où l’enfant fit son premier départ de leurs entrailles sanglantes. Il faudrait voir la vieille femme, les yeux secs et le cœur brisé, ramasser en hâte les quelques hardes qu’il emportera, les pauvres économies, les sols épargnés par le jeûne, ce qu’elle s’est volé à elle-même, pour son fils, pour ce jour des dernières douleurs.

Donner leurs enfants à cette guerre qui s’ouvrait avec si peu de chances les immoler à cette situation extrême et désespérée, c’était plus que la plupart ne pouvaient faire. Elles succombaient à ces pensées ou bien, par une réaction naturelle, elles tombaient dans des accès de fureur. Elles ne ménageaient rien, ne craignaient rien. Aucune terreur n’a prise sur un tel état d’esprit ; quelle terreur pour qui veut la mort ?

On nous a raconté qu’un jour (sans doute en août ou septembre), une bande de ces femmes furieuses rencontrèrent Danton dans la rue, l’injurièrent comme elles auraient injurié la guerre elle-même, lui reprochant toute la Révolution, tout le sang