Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/117

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les hommes quand l’idée s’obscurcit pour eux, un homme vraiment grand, un héros.

Robespierre avait autorité, Danton avait force. Aucun d’eux ne fut cet homme.

Ni l’un ni l’autre n’osa.

Le chef des Jacobins, avec sa gravité, sa ténacité, sa puissance morale, le chef des Cordeliers, avec son entraînante énergie et ses instincts magnanimes, n’eurent pourtant ni l’un ni l’autre une sublime faculté, la seule qui pût illuminer, transfigurer la sombre fureur du moment. Il leur manquait entièrement cette chose, commune depuis, rare alors bien plus qu’on ne croit. Pour chasser des cœurs le démon du massacre, le faire rougir de lui-même, le renvoyer à ses ténèbres, il fallait avoir en soi le noble et serein génie des batailles, qui frappe sans peur ni colère et regarde en paix la mort.

Celui qui l’eût eu, ce génie, eût pris un drapeau, eût demandé à ces bandes si elles ne voulaient se battre qu’avec des gens désarmés ; il eût déclaré infâme quiconque menaçait les prisons. Quoiqu’une grande partie du peuple approuvât l’idée du massacre, les massacreurs, on le verra, étaient peu nombreux. Et il n’était nullement nécessaire de les massacrer eux-mêmes pour les contenir. Il eût suffi, répétons-le, de n’avoir pas peur, de profiter de l’immense élan militaire qui dominait dans Paris, d’envelopper ce petit nombre dans la masse et le tourbillon qui se serait formé des volontaires vraiment soldats et de la partie patriote de la garde