Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chacun comprit, sans nulle peine, ce que les amis de la Commune disaient depuis huit jours par tout Paris, ce que Robespierre articula le lendemain, 2 septembre, pendant le massacre : Qu’un parti puissant offrait le trône au duc de Brunswick. Nul autre parti, en ce moment, n’était puissant que la Gironde. La coupable folie d’offrir la France à l’étranger avait été celle du ministère de Narbonne. Il était horriblement calomnieux de l’imputer aux Girondins, qui avaient chassé Narbonne. Les Girondins, c’était leur gloire, avaient compris l’élan guerrier de la France, prêché, malgré Robespierre, la croisade de la liberté. Imputer aux apôtres de la guerre le projet de cette paix exécrable, dire que Vergniaud, que Roland, Madame Roland, les plus honnêtes gens de France, vendaient la France et la livraient, c’était tellement incroyable et si ridiculement absurde que, dans tout autre moment, cette calomnie eût retombé sur son auteur, il serait mort de son propre venin.

Une telle absurdité pouvait-elle être crue sincèrement d’un esprit aussi sérieux que celui de Robespierre ? Cela étonne, et pourtant nous répondrons sans hésiter : Oui. Il était né si crédule pour tout ce que la haine et la peur pouvaient lui conseiller de croire, tellement fanatique de lui-même et prêt à adorer ses songes, qu’à chaque dénonciation qu’il lançait à ses ennemis, la conviction lui venait surabondamment. Plus il avançait dans ses assertions passionnées, se travaillait à leur donner des couleurs et des vraisemblances, et plus il se convainquait,