Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/154

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venaient les curieux qui se succédèrent tout le jour à ce beau spectacle. Le plus connu était un acteur, bavard, ridicule, joli garçon, de mœurs bizarres et qui pouvait passer pour femme. Cette fois il faisait le brave et croyait être homme.

L’homme roux, jetant sur la bande un œil de mépris, leur dit qu’il resterait là et qu’on ne passerait pas, à moins qu’il ne fut relevé par l’officier même qui l’y avait mis. On alla chercher un ordre de la section qu’il ne voulut pas reconnaître, puis un ordre du chef de bataillon dont il ne tint compte. Il ne quitta la place qu’après qu’on eut trouvé, amené son capitaine, un peintre en bâtiment de la rue voisine, qui releva le poste.

Les meurtriers entrèrent en criant : « Où est l’archevêque d’Arles ? » Ce mot d’Arles était significatif ; il suffisait pour rappeler le plus furieux fanatisme contre-révolutionnaire, l’association trop connue sous le nom de la Chiffonne, le dangereux foyer de la guerre civile pour tout le Midi. Et tel évêché, tel évêque ; celui d’Arles était l’homme de la résistance, une tête dure, qui, aux Carmes même, confirma dans ses compagnons de captivité l’esprit obstinément étroit qui leur faisait voir la ruine de la religion dans une question tout extérieure et de discipline. Il avait avec lui deux évêques, grands seigneurs, qui, par leur nom, leur fortune, imposaient à ces pauvres

    M. Villiers, dont j’ai souvent consulté utilement les ouvrages, les notes manuscrites et l’admirable mémoire, si présente dans son grand âge de plus de quatre-vingt-dix ans.