Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Toutefois, comme toute peine mérite une récompense, il promit aux ouvriers un salaire régulier. Cette mesure très odieuse et qui impliquait une approbation n’en eut pas moins un bon effet ; du moment qu’ils furent payés régulièrement, ils travaillèrent beaucoup moins, se donnèrent du bon temps et se ralentirent.

Une grande partie des massacreurs s’étaient écoulés au Châtelet, à la Force. La tuerie de l’Abbaye devint affaire de plaisir, de récréation, un spectacle. On entassa des hardes au milieu de la cour, en une sorte de matelas. La victime, lancée de la porte dans cette sorte d’arène, et passant de sabre en sabre, par les lances ou par les piques, venait après quelques tours, tomber à ce matelas, trempé et retrempé de sang. Les assistants s’intéressaient à la manière dont chacun courait, criait et tombait, au courage, à la lâcheté qu’avait montré tel ou tel, et jugeaient en connaisseurs. Les femmes surtout y prenaient grand plaisir ; leurs premières répugnances une fois surmontées, elles devenaient des spectatrices terribles, insatiables, comme furieuses de plaisir et de curiosité. Les massacreurs, charmés de l’intérêt qu’on prenait à leurs travaux, avaient établi des bancs autour de la cour, bien éclairée de lampions ; des bancs, mais non indistincts pour les spectateurs des deux sexes ; il y avait bancs pour les messieurs et bancs pour les dames, dans l’intérêt de l’ordre et de la moralité.

Deux spectateurs étonnaient fort et faisaient partie