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du spectacle : c’étaient deux Anglais ; l’un gras, l’autre maigre, en longues redingotes qui leur tombaient aux talons. Ils se tenaient debout, l’un à droite et l’autre à gauche, bouteilles et verres à la main ; ils avaient pris la fonction de rafraîchir les travailleurs, et, pour les rafraîchir, ils leur versaient toute la nuit le vin et l’eau-de-vie. On a dit que c’étaient des agents du gouvernement anglais. Selon une conjecture plus probable encore (que fortifie un ouvrage publié à Londres par l’un des deux Anglais, ce semble), ils n’étaient rien de plus que des voyageurs curieux, des excentriques, cherchant les émotions violentes, radicaux prononcés du reste, et ne regrettant en la chose qu’un seul point, qu’elle n’eût pas lieu à Londres.

Le massacre, devenant pour les uns une occasion de vol, un spectacle pour les autres, s’enlaidissait fort. Plusieurs, on le voyait trop, jouissaient à tuer. Cette tendance monstrueuse commença à se révéler, la nuit même, dans le supplice recherché qu’on fit subir à une femme. C’était une bouquetière bien connue du Palais-Royal.

Le plaisir abominable qu’on avait pris à faire souffrir une femme semble avoir sali les esprits, corrompu le massacre même. Vers le matin, une masse d’hommes se rendirent au grand hospice des femmes, à la Salpêtrière. Il y en avait là de tout âge et de toute classe, de vieilles et infirmes, de petites et toutes jeunes, enfin des filles publiques. Celles-ci, nous l’avons dit, étaient toutes, à tort ou