Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/185

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qu’ils lui supposaient sur la reine. Le contraire était plus vrai. Si la reine était légère, elle n’était pas docile ; elle avait des qualités mâles et fortes, dominatrices, un caractère intrépide. Mme  de Lamballe était, au sens propre, une femme. Son portrait, plus que féminin[1], est celui d’une mignonne petite fille savoyarde ; on sait qu’elle était, en effet, de ce pays. La tête est fort petite, sauf l’énorme et ridicule échafaudage de cheveux, comme on les portait alors ; les traits aussi sont trop petits, plus mignons que beaux ; la bouche est jolie, mais serrée, avec le fixe sourire du Savoyard et du courtisan. Cette bouche ne dit pas grand’chose ; on sait en effet que la gentille princesse avait peu de conversation, nulle idée ; elle était peu amusante. Le portrait qui répond très bien à l’histoire est celui d’une personne agréable et médiocre, née pour dépendre et obéir, pour souffrir et pour mourir (ce faible col élancé ne fait que trop penser, hélas ! à la catastrophe). Mais ce que le portrait ne dit pas assez, c’est qu’elle était faite aussi pour aimer. Il y parut à la mort.

La reine l’aimait assez, mais elle fut pour elle, comme pour tous, légère, inégale. Elle se jeta d’abord à elle avec tout l’emportement de son caractère. La pauvre jeune étrangère, malheureuse par son mari qui la délaissait et mourut bientôt, fut reconnaissante, se donna de cœur, tout entière et pour

  1. Voir au Musée de Versailles. Les autres portraits sont ridicules, de méprisables mensonges, comme les Mémoires français et anglais qu’on a mis sous son nom.