Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/186

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toujours. Bien ou mal traitée, elle resta tendre et fidèle, avec la constance de son pays. Cette femme jeune et jolie était toute à deux personnes, au vieux duc de Penthièvre, son beau-père, qui voyait en elle une fille, et à la reine, qui l’oubliait pour Mme  de Polignac. La reine n’avait aucun besoin de la bien traiter ; elle était sûre de son dévouement aveugle, en toute chose, honorable ou non ; elle s’en servait sans façon pour toute affaire et toute intrigue, la compromettait de toute manière, en usait et abusait. Qu’on en juge par un fait : ce fut Mme  de Lamballe qu’elle envoya à la Salpêtrière pour offrir de l’argent à Mme  de Lamotte, récemment fouettée et marquée ; la reine apparemment craignait qu’elle ne publiât des Mémoires sur la vilaine affaire du collier. Le trop docile instrument de Marie-Antoinette reçut de la supérieure de l’hospice cette foudroyante parole : « Elle est condamnée, Madame, mais pas à vous voir. »

La reine, en 1790 et 1791, se servit de Mme  de Lamballe d’une manière moins honteuse, mais très périlleuse, et la mit sur le chemin de la mort. Elle prit son salon pour recevoir ; elle traita chez elle ou par elle avec les hommes importants de l’Assemblée qu’elle essayait de corrompre, elle fit venir là les journalistes royalistes, les hommes les plus haïs, les plus compromettants. Elle donna ainsi à son amie une importance politique qu’autrement son caractère, sa faiblesse, son défaut absolu de capacité, ne lui auraient donnée nullement. Le peuple commença à