Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/187

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considérer cette petite femme comme un grand chef de parti. La seule chose bien certaine, c’est qu’elle avait, en tout, le secret de Marie-Antoinette, qu’elle la savait tout entière, la reine n’ayant jamais daigné se cacher en rien pour une amie si dépendante, si faible, et qui l’aimait quand même, comme un chien aime son maître.

Cette malheureuse femme était à l’abri, en sûreté, quand elle apprit le danger de la reine. Sans réflexion, sans volonté, son instinct la ramena pour mourir, si elle mourait. Elle fut avec elle au 10 août, avec elle au Temple. On ne lui permit pas d’y rester ; on l’arracha de Marie-Antoinette et on la mit à la Force. Elle commença à sentir alors que son dévouement l’avait menée bien loin, jusqu’à une épreuve que sa faiblesse ne pouvait porter. Elle était malade de peur. Dans la nuit du 2 au 3, elle avait vu partir Mme  de Tourzel, et elle, elle était restée. Cela lui annonçait son sort. Elle entendait des bruits terribles, écoutait, s’enfonçait dans son lit, comme fait un enfant qui a peur. Vers huit heures, deux gardes nationaux entrent brusquement : « Levez-vous, Madame, il faut aller à l’Abbaye. — Mais, Messieurs, prison pour prison, j’aime bien autant celle-ci ; laissez-moi. » Ils insistent. Elle les prie de sortir un moment, afin qu’elle puisse s’habiller. Elle en vient à bout enfin ; mais elle ne peut marcher ; tremblante, elle prend le bras d’un des gardes nationaux, elle descend, elle arrive à ce tribunal d’enfer. Elle voit les juges, les armes, la mine sèche d’Hébert et des autres, des hommes