Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus ce cri intérieur, cette voix muette : « Ô mort ! »

Pour les pauvres et faibles personnes, trop âgées déjà, brisées d’années ou de malheurs, l’accès fut suivi d’une cessation absolue d’idées, d’un anéantissement de la personnalité, bien près de l’idiotisme. Celles qui surmontaient la peur et se hasardaient à sortir revenaient dans les églises abandonnées depuis longtemps, se remettaient à prier machinalement ; on les voyait marmotter et branler leurs têtes vides, où les yeux étaient éteints. D’autres restaient enfermées, s’abîmaient dans la rêverie d’un étrange mysticisme, disant, comme plus tard Saint-Martin, que ceci était apparemment une scène du Jugement dernier, un acte de la terrible comédie de l’Apocalypse. Il y avait des têtes où tout cela se mêlait confusément ; la religion et la Révolution. Marat, l’Antéchrist, tout se brouillait pour ces pauvres esprits, complètement obscurcis ; plus ils tâchaient de réfléchir, de songer, de distinguer, plus ils s’y perdaient. Tels, pour ne point s’égarer, adoptaient une idée fixe, répétaient un même mot, le redisaient tout le jour.

Dans un grenier de la rue Montmartre (qu’on me permette de conter ce petit fait, qui fera juger des autres), au septième étage, vivait une pauvre vieille, que les voisins, des croisées opposées, voyaient toujours à genoux. Elle avait sur sa cheminée deux chandelles allumées et deux petits bustes de plâtre, devant lesquels elle disait continuellement des oraisons. Les curieux l’écoutèrent à travers la porte :