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tement aux Tuileries (chose difficile à cette heure). Le département envoya seulement deux de ses membres ; Rœderer les voulait tous. Pour cela, il fallait un ordre du roi. Le roi dit que constitutionnellement il ne pouvait rien ordonner que par un ministre. Le ministre n’était pas là ; on remit la chose au moment où il serait revenu.

Il était environ quatre heures. On entendit dans la cour un bruit de voiture ; on entr’ouvrit un contrevent ; c’était la voiture du maire, qui, lasse de l’attendre, s’en allait à vide. Le jour commençait à luire ; Madame Élisabeth s’approcha de la fenêtre et dit à la reine : « Ma sœur, venez donc voir le lever de l’aurore. » La reine y alla ; le jour était déjà splendide, mais le ciel d’un rouge de sang.

Regardons, puisqu’il fait jour, l’état de la place, calculons ses forces. Elles étaient encore formidables, moindres qu’à minuit, il est vrai ; une partie des gardes nationaux s’était écoulée.

Le nerf de la garnison, c’étaient treize cent trente Suisses, soldats excellents, braves et disciplinés, obéissants jusqu’à la mort. Ce nombre est celui qu’accuse dans son livre le commandant suisse Pfyffer. Mais il y faut ajouter un nombre assez considérable de gardes constitutionnels licenciés, qui avaient pris l’habit rouge des Suisses et vinrent combattre sous ce déguisement. Leurs corps morts, après le combat, se distinguèrent facilement à la finesse du linge, à l’élégance de la coiffure ;