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la malveillance, la jalousie naturelle des gardes nationaux. Il y avait lieu d’hésiter ; mais on leur avait envoyé des cartes d’entrée personnelles, à domicile. Six cents répondirent à l’appel, auxquels il fallait ajouter l’honorable domesticité des châteaux royaux, d’anciens serviteurs, qui ne manquèrent pas au jour du péril. Le tout formait une cour fort sérieuse, sans ordre, sans étiquette, mais vraiment imposante et militaire. Ces gens en noir, tous officiers ou chevaliers de Saint-Louis, portaient le costume civil, et, par un contraste étrange, c’étaient des marchands, des employés, des fournisseurs qui, comme gardes nationaux, étaient en soldats. Sur l’aspect de ces figures bourgeoises, les gens d’épée crurent qu’ils ne feraient pas mal de les remonter un peu. Ils leur frappaient sur l’épaule : « Allons, Messieurs de la garde nationale, c’est le moment de montrer du courage. — Du courage ? soyez tranquilles, répliqua un capitaine de la garde nationale, nous en montrerons, croyez-le, mais non à côté de vous. »

En réalité, on ne témoignait pas beaucoup de confiance à la garde nationale. Les nobles occupaient les appartements les plus intérieurs, les postes de confiance. Les Suisses avaient chacun quarante cartouches, les gardes nationaux trois. L’artillerie surtout de la garde nationale fut l’objet d’une défiance excessive, ce qui fit, comme il arrive, qu’elle la mérita de plus en plus. On plaça derrière les canonniers de chaque pièce des