Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/246

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Régime, du grand souffle révolutionnaire, qui autrement lui eût manqué.

Il y eut ainsi parfaite unanimité sur le choix de l’homme. Et même unanimité pour concentrer toutes les forces dans sa main.

On écarta ou l’on subordonna les officiers généraux qui pouvaient prétendre à une part du commandement. On envoya le vieux Luckner à Châlons former des recrues. On ordonna à Dillon, plus élevé que Dumouriez dans la hiérarchie militaire, d’obéir à Dumouriez. Même ordre donné à Kellermann, qui gronda, mais obéit. Toutes les forces de la France et sa destinée furent remises à un officier peu connu, et qui jusque-là n’avait jamais commandé en chef. C’est ainsi que le génie souverain de la Révolution élevait qui lui plaisait. Pourquoi devinait-il si bien les hommes ? C’est qu’il les faisait lui-même.

Cette fois, il fit un homme. Ce Dumouriez, qui avait traîné dans les grades inférieurs, dans une diplomatie qui touchait à l’espionnage, la Révolution le prend, l’adopte, elle l’élève au-dessus de lui-même et lui dit : « Sois mon épée. »

Cet homme, éminemment brave et spirituel, ne fut vraiment pas indigne de la circonstance. Il montra une activité, une intelligence extraordinaires ; ses Mémoires en témoignent. Ce qu’on n’y voit point toutefois, c’est l’esprit de sacrifice, l’ardeur du dévouement qu’il trouva partout et rendit sa tâche aisée ; c’est la forte résolution qui se trouva dans tous les cœurs de sauver la France à tout prix, en sacrifiant,