Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/248

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l’unanimité de la France. Il n’a pas l’air de voir tous ces camps de gardes nationaux qui hérissaient les collines de la Meurthe, des Vosges, de tant d’autres départements. Il ne voit pas, du Rhin à la Marne, le paysan armé et debout sur son sillon. Mais l’ennemi l’a bien vu, et voilà pourquoi il a si peu insisté, si peu combattu, si peu profité des fautes de Dumouriez.

Voilà le secret de toute cette campagne. Il ne faut pas le chercher exclusivement dans les opérations militaires. Ici, parmi un désordre immense, mais tout extérieur, il y avait une profonde unité de passion et de volonté. Et du côté des Allemands, avec toutes les apparences de l’ordre et de la discipline, il y avait division, hésitation, incertitude absolue sur les moyens et le but.

Pour juger le commencement de la guerre, il faut en voir déjà la fin. Il faut, pour mesurer la juste part d’estime que l’on doit à ces Croisés qui lèvent ici la bannière contre la Révolution, il faut, dis-je, savoir à quel prix ils s’arrangeront avec elle dans quelques années d’ici. Après tant de phrases sonores sur le droit et la justice, les chevaliers s’avoueront pour ce qu’ils sont, des voleurs. La Prusse volera sur le Rhin, et l’Autriche en Italie… L’une et l’autre, n’ayant pu rien gagner sur l’ennemi, gagneront sur leurs amis. Chose prodigieuse ! on les verra tendre la main à la France et se faire donner par elle (une ennemie victorieuse), donner leurs propres amis, et dire à peu près ceci : « Je n’ai pu prendre ta vie.