Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/257

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Dumouriez échauffait les cœurs. On savait que, hussard à vingt ans, il s’était fait tailler en pièces ; eh bien, il en avait cinquante, et il ne s’en portait que mieux… Le général était gai, et l’armée l’était. Le corps qu’il avait commandé du côté des Flandres, et qui vint le retrouver, très hardi, très aguerri, n’avait guère passé de jours, dans ses premiers campements, sans donner des bals, et souvent on les donnait sur le terrain ennemi. Au bal et à la bataille, figuraient en première ligne deux jeunes et jolis hussards, qui n’étaient rien moins que deux demoiselles, deux sœurs, parfaitement sages, si la chronique en est crue.

Cette armée était très pure des excès de l’intérieur. Elle les apprit avec horreur, et donna une violente leçon à la populace armée qu’on lui envoya de Châlons. C’était une tourbe de volontaires, moitié fanatiques et moitié brigands, qui, sur la lecture de la circulaire de Marat, l’avaient appliquée à l’instant, en tuant plusieurs personnes. Ils arrivaient, aboyant après Dumouriez, criant au traître, demandant sa tête. Ils furent tout étonnés du vide immense qui se fit autour d’eux. Personne ne leur parla. Le lendemain, revue du général. Ils se voient entre une cavalerie, très nombreuse et très hostile, prête à les sabrer, d’autre part une artillerie menaçante, qui les eût foudroyés au moindre signe. Dumouriez vint alors à eux avec ses hussards et leur dit : « Vous vous êtes déshonorés. Il y a parmi vous des scélérats qui vous pous-