Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/265

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s’étonneraient au concert nouveau de soixante bouches à feu. Soixante leur répondirent, et tout le jour, cette armée, composée en partie de gardes nationales, supporta une épreuve plus rude qu’aucun combat : l’immobilité sous le feu. On tirait dans le brouillard au matin et, plus tard, dans la fumée. La distance néanmoins était petite. On tirait dans une masse ; peu importait de tirer juste. Cette masse vivante, d’une armée toute jeune, émue de son premier combat, d’une armée ardente et française, qui brûlait d’aller en avant, tenue là sous les boulets, les recevant par milliers, sans savoir si les siens portaient, elle subissait, cette armée, la plus grande épreuve peut-être. On a tort de rabaisser l’honneur de cette journée. Un combat d’attaque ou d’assaut aurait moins honoré la France.

Un moment, les obus des Prussiens, mieux dirigés, jetèrent de la confusion. Ils tombèrent sur deux caissons qui éclatèrent, tuèrent, blessèrent beaucoup de monde. Les conducteurs de chariots s’écartant à la hâte de l’explosion, quelques bataillons semblaient commencer à se troubler. Le malheur voulut encore qu’à ce moment un boulet vînt tuer le cheval de Kellermann et le jeter par terre. Il en remonta un autre avec beaucoup de sang-froid, raffermit les lignes flottantes.

Il était temps. Les Prussiens, laissant la cavalerie en bataille pour soutenir l’infanterie, formaient celle-ci en trois colonnes, qui marchaient vers le plateau de Valmy (vers onze heures). Kellermann voit ce mou-