Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/29

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L’abandon des Tuileries était bien plus grand encore que ne le pensait la reine. Le château était déjà seul et comme une île dans Paris. Toute la ville était ou hostile ou dans une neutralité moins que sympathique. La Révolution venait de s’accomplir à l’Hôtel de Ville ; le premier sang était versé, celui de Mandat, commandant général de la garde nationale.

Mandat, arrivé à la Grève, l’avait trouvée toute changée. Une foule immense remplissait tout l’Hôtel de Ville, toute la place. Le poste qu’il avait mis à l’arcade Saint-Jean en avait été écarté. Avancer était périlleux, retourner était impossible. Il suivit la fatalité, monta et se trouva en face de la nouvelle Commune, en présence de l’insurrection qu’il avait promis d’écraser. Tombé au piège de ceux contre qui il avait dressé ses pièges, interrogé en vertu de quel ordre il avait doublé la garde du château, il allégua un ordre du maire (ordre déjà ancien et sans rapport avec la journée du 10) ; puis il convint qu’il n’avait à présenter nul autre acte qu’une réquisition adressée par lui au département. Enfin, ne sachant plus que dire, il prétendit qu’un commandant avait droit de prendre des précautions subites pour un événement imprévu. On lui rappela qu’il avait dit au château, en parlant de Pétion : « Sa tête nous répond du moindre mouvement. » Celle de Mandat ne tenait guère. Ce qui décida son sort, c’est qu’on jeta sur le bureau l’ordre même qu’il avait donné au commandant du poste de l’arcade Saint-Jean, de faire feu sur les colonnes du peuple en l’attaquant par derrière. Un hourra universel