Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/291

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Le noble amenait l’étranger, et le prêtre empêchait qu’on ne pût se défendre. L’un poignardait la France, l’autre la désarmait.

Par quoi le prêtre arrêtait-il le mouvement de la Révolution ? En la mettant dans la famille, en opposant la femme au mari, en fermant par elle la bourse de chaque ménage aux besoins de l’État.

Quarante mille chaires, cent mille confessionnaux, travaillaient en ce sens. Machine immense, d’incalculable force, qui lutta sans difficulté contre la machine révolutionnaire de la presse et des clubs, et contraignit ceux-ci, s’ils voulaient vaincre, à organiser la Terreur.

Mais déjà, en 1789, 1790, 1791, 1792 encore, la Terreur ecclésiastique sévissait dans les sermons, dans la confession. La femme n’en revenait chez elle que la tête basse, courbée d’effroi, brisée. Elle ne voyait de toutes parts qu’enfer et flammes éternelles. On ne pouvait plus rien faire sans se damner. On n’obéissait plus aux lois qu’en se damnant. On ne payait l’impôt qu’en se damnant. Mais le fond de l’abîme, l’horreur des tourments sans remède, la griffe la plus aiguë du diable, étaient pour l’acquéreur des biens nationaux… Comment eût-elle osé continuer de manger avec lui ? Son pain n’était que cendre. Comment coucher avec un réprouvé ? Être sa femme, sa moitié, même chair, n’était-ce pas brûler déjà, entrer vivante dans la damnation ?

Qui peut dire de combien de sortes le mari était poursuivi, assailli, tourmenté pour qu’il n’achetât