Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/311

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monotone, pauvre, obscure, ennuyeuse ; la messe, la chasse, pour tout amusement.

Rien n’était plus judicieux que ces réflexions, rien de plus difficile que de tirer de là les gentilshommes de campagne. Les intrigants qui menaient l’émigration, qui comptaient bien exploiter la victoire, n’omettaient rien pour troubler le bon sens de ces nobles ; ils prêchaient, chantaient la croisade sur tous les airs ; ils attestaient l’honneur de la chevalerie. On écrivait des lettres anonymes aux retardataires, on leur envoyait des quenouilles. Un de ces agents royalistes, Tuffin de La Rouërie, tête très mal rangée, personnage équivoque, qui avait joué cent rôles, officier, trappiste, volontaire d’Amérique, révolutionnaire, puis ennemi de la Révolution, avait été s’offrir à Coblentz, offrant d’entraîner, disait-il, toute la Bretagne. Il fallait seulement que, dans l’insurrection, on observât les formes mêmes des anciens États de la province, que les comités d’insurrection, puisés dans les trois ordres, fussent des États en miniature. On ne demanderait d’abord nul acte, nul effort, de l’argent seulement. Ce dernier point plut à Calonne, emporta son suffrage. Il fit agréer le plan au comte d’Artois. Le 5 décembre 1791, les frères du roi autorisèrent La Rouërie.

Dans la réalité, le plan était habile. Les gentilshommes qui n’émigraient point, obsédés, insultés pour leur inaction, troublés aussi dans leur conscience royaliste par leurs propres scrupules, obtenaient trêve en donnant à l’association une année de