Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/32

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le château. En attendant, plusieurs, sans autre façon, chevauchaient sur la muraille et causaient familièrement avec les quelques gardes nationaux qui étaient encore dans les cours.

Rœderer crut le danger très imminent. Il amusa le jeune parlementaire de l’offre d’introduire les députés de l’insurrection, courut à toutes jambes au château, traversa rapidement la foule qui remplissait les salles : « Sire, dit-il au roi, Votre Majesté n’a pas cinq minutes à perdre ; il n’y a de sûreté pour elle que dans l’Assemblée nationale. » Un administrateur du département (marchand de dentelles de la reine, zélé constitutionnel) parlait aussi dans ce sens : « Taisez-vous, monsieur Gerdret, lui dit la reine ; quand on a fait le mal, on n’a pas droit de parler… Il ne vous appartient pas, Monsieur, d’élever ici la voix. » Puis, se tournant vers Rœderer : « Mais enfin nous avons des forces… — Madame, tout Paris marche… Sire, ce n’est plus une prière que nous venons vous faire… Nous n’avons qu’un parti à prendre… Nous vous demandons la permission de vous entraîner. » Le roi leva la tête, regarda fixement Rœderer, puis, se tournant vers la reine, il dit : « Marchons », et se leva.

Le roi, adressant ce mot à la reine, trancha une question délicate, qui autrement se fût agitée. Irait-il seul à l’Assemblée ? ou bien y serait-il accompagné d’une épouse si impopulaire ? C’était peut-être en ce moment la question décisive de la monarchie. M. de Lally-Tollendal, dans les prétendus Mémoires