Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/412

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la raison. L’armée de Jemmapes était ridicule, pour tout militaire ordinaire, mal instruite, mal équipée, misérablement vêtue, discordante surtout, présentant je ne sais combien de bandes de volontaires, ou encore sans uniforme, ou sous l’uniforme varié des Fédérations de 1790. Tel bataillon (celui du Loiret, je crois) était encore en sarraux de toile, en bonnets de paysans. Ce n’est pas tout, il existait des corps sous toute espèce de noms (chasseurs nationaux, chasseurs braconniers, etc.). Chaque corps se formait selon les villes ou villages, les quartiers, les amitiés, se baptisait à sa guise. Ce n’était pas une armée, c’était le peuple à vrai dire, c’était la France arrivant au champ de bataille, toute jeune et toute naïve, dans la confusion du premier élan.

Robespierre avait parfaitement prouvé depuis plus d’un an que la guerre était absurde. Et il avait fait écrire par Camille Desmoulins que la Gironde avait trahi, puisqu’elle voulait la guerre. Et cette opinion était tellement celle des Jacobins qu’au 25 juillet 1793, c’était encore une des raisons principales que faisait valoir Billaud-Varennes pour envoyer les Girondins à la mort.

Oui, la guerre était absurde. Et il fallait être fou pour aller chercher l’ennemi sur son territoire, au moment même où la France changeait de gouvernement. C’est alors précisément que le pouvoir passait des Girondins aux Jacobins. Le ministère de la guerre particulièrement, celui dont l’action était décisive en un tel moment, passa du Girondin Servan au Jacobin