Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/411

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Tellement Dieu était en la France ! telle la vertu miraculeuse qu’elle avait alors ! L’épée dont elle frappait, au lieu de blesser, guérissait les peuples. Touchés du fer, ils s’éveillaient, remerciaient le coup salutaire qui rompait leur fatal sommeil, brisait l’enchantement déplorable où, pendant plus de mille années, ils languirent à l’état de bêtes à brouter l’herbe des champs.

Cette première victoire de la République, cette victoire de la foi, a eu contre elle tous les raisonneurs. Les Jacobins d’abord prédirent qu’on ne vaincrait pas. Les tacticiens ensuite (ou allemands ou bonapartistes) ont savamment travaillé à prouver que la victoire n’était rien, ou que du moins on n’avait pas vaincu dans les règles.

Oui, la victoire fut absurde, comme est tout miracle, et l’on n’aurait pas dû vaincre, à consulter

    qui nous a été révélé dans ces derniers temps par un de nos compatriotes. Une larme m’est venue en écrivant ceci. Nous venons de le perdre, ce jeune homme. Le hasard ou la Providence avait mis en lui la triple alliance des peuples nouveaux : Auguste de Gerando-Barberi-Téléki, Français de père, Roumain de mère, Hongrois par son mariage ; ses enfants sont Hongrois. — Malade, mourant de la poitrine, il n’en a pas moins servi activement sa seconde patrie, au jour suprême, et il semble qu’ils soient morts ensemble, ensemble ensevelis. — Ensevelis, non pas morts ! Le drapeau enfoui à Raab en sortira un malin ; la France, l’Italie, se relèveront ensemble. Et alors, mon jeune ami, alors vous ressusciterez. — Que cette pierre d’alliance reste au moins ici scellée de nos larmes ! Qu’elle reste en témoignage ! Qu’elle vous serve du tombeau que vous n’avez pas encore ! Vous y dormirez paisible, dans la foi où vous fûtes ferme, dans l’attente des trois nations. Nous, vous nous avez laissé de quoi peu dormir. Vous avoir connu, vous avoir perdu, jeune cœur héroïque, âme excellente et magnanime, c’est une amertume durable qui nous reviendra dans nos nuits.

    Lecteur, lis pieusement les livres que ce jeune homme a laissés, et puisses-tu y gagner quelque chose de son cœur ! La Transylvanie, 1845 ; de l’Esprit public en Hongrie, depuis la Révolution française, 1848.