Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/446

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douteuse alors, mais aujourd’hui, sur son aveu, on peut la dire perfide. Ce chef de l’admirable armée qui venait de gagner la victoire de la foi et de l’enthousiasme, rêvait de la corrompre, de se l’approprier, d’en faire un instrument de ruse. Il la conduisait en Belgique, mais pour faire à la hâte une armée belge, qu’il eût associée, mêlée à la nôtre, pour neutraliser dans celle-ci l’élan républicain. Que ferait-il après ? Il ne le savait trop lui-même. Tournerait-il cette armée combinée contre la France et la Révolution qui la lui avait mise en main ? L’emploierait-il à fonder, à son profit, une domination indépendante ? Ou bien, au lieu de trahir la France, serait-ce la Belgique qu’il tromperait, la rendant à l’Autriche pour acheter la paix ? Cela était incertain encore. Tout ce qui était sûr, c’est que Dumouriez trahissait.

Il avait envoyé en avant deux agents, un révolutionnaire, un autre rétrograde. Le premier, l’aboyeur célèbre Saint-Huruge, le marquis Fort-des-Halles, qui avait brillé au 20 juin et ailleurs, devait plaire à un peuple qui avait tant goûté les aboiements de Van der Noot. Le second avait la mission secrète d’aller trouver l’Autrichien Metternich, de lui dire que le général ne conquérait que pour traiter, ne prenait que pour rendre, qu’il le priait de laisser quelqu’un à Bruxelles avec qui l’on pût négocier.

Il arrive à Bruxelles, on lui offre les clés : « Gardez-les vous-mêmes, dit-il. Ne souffrez plus d’étrangers chez vous… » Ainsi, la question de savoir si ce pays