Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/466

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fiction. Il fallait des réalités, il fallait un homme d’action, d’actes rapides, dans la terrible crise où la France était engagée.

En ce sens, le choix de Pétion (bon, honorable en lui-même) devenait alarmant. C’était en quelque sorte une déclaration d’inertie. La grande majorité non seulement des bourgeois, mais du peuple, se composait d’honnêtes gens, déjà extrêmement fatigués de la Révolution et qui ne voulaient plus rien faire, ni pour avancer ni pour reculer. Nommant Pétion, ils comptaient qu’entre des mains si pacifiques elle ne remuerait plus guère.

Dans ce calcul, ils se trompaient. N’avançant plus, elle aurait infailliblement reculé. Elle eût retombé en arrière, rétrogradé promptement de Pétion à Bailly, aux hommes de 1789, qui n’auraient pas un moment arrêté la réaction. Celle-ci, dans sa pente effroyable, nous eût fait rouler au gouffre de l’Ancien-Régime, au triomphe des émigrés, au triomphe des étrangers, aux misères de l’invasion. Car ce n’était pas à 1788 seulement qu’on eût retombé, mais, de plus, à 1815, — un 1815, moins la Révolution et l’Empire, moins la gloire, moins l’universalité des idées françaises en Europe, moins le respect des vainqueurs.

La Révolution existait, quoi qu’on fît, et c’était un être. Il fallait qu’il vécût, cet être, agît, combattît, avançât. Mille chances périlleuses étaient en avant. Mais un gouffre, visible, était en arrière. Reculer devant les dangers, c’était bien plus qu’un