Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/498

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vicieux. La parole de Robespierre est appuyée du dossier. Et l’existence du dossier ? — Des mots de Robespierre.

Il semble étrange d’accepter, pour unique preuve contre l’honneur d’un homme, la parole de ses ennemis.

Honorables tous trois, dira-t-on. Oui, si l’on veut, mais, sans nul doute, haineux et crédules en proportion de leur haine.

Ce qui a tenu lieu de preuve, c’est la force incalculable que donnèrent aux accusations la parfaite entente, la persévérance avec laquelle les innombrables sociétés jacobines répétaient, reproduisaient toute formule envoyée de Paris, chantant invariablement, sans y manquer, la note exacte que chantait ici le maître du chœur. On avait vu, au dix-septième siècle surtout, dans la guerre des Jésuites contre Port-Royal, la force invincible d’un même mot répété à toute heure, tous les jours, par un chœur de trente mille hommes. Ici, ce n’était pas trente mille, mais deux cent mille et plus. L’oreille, une fois habituée, finit par prendre ce grand bruit pour l’opinion générale, la voix du peuple est la voix de Dieu. Toute l’attention qu’il faut avoir, c’est de commencer doucement, bas, très bas, de monter lentement par un crescendo ménagé ; on va jusqu’au bruit de la foudre, sans qu’on vous ait arrêté. Elle éclate, l’ennemi est étourdi, écrasé…

La fortune de Danton, dont j’ai sous les yeux un détail authentique (dont j’userai au temps de son