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nature et le cœur, ce qui fut primitif en l’homme. Cela, dans le cours ordinaire des choses, arrive en deux âges distincts, divisés par le temps. Mais alors, nous l’avons dit, il n’y avait plus de temps ; la Révolution l’avait tué avec bien d’autres choses.

C’était déjà ce moment pour Danton. Son œuvre faite, le salut public en 1792, il eut, contre la volonté un moment détendue, l’insurrection de la nature, qui lui reprit le cœur, le fouilla durement, jusqu’à ce que l’orgueil et la fureur le reprissent à leur tour et le menassent rugissant à la mort.

Les hommes qui jettent la vie au dehors dans une si terrible abondance, qui nourrissent les peuples de leur parole, de leur poitrine brûlante, du sang de leur cœur, ont un grand besoin du foyer. Il faut qu’il se refasse, ce cœur, qu’il se calme, ce sang. Et cela ne se fait jamais que par une femme, et très bonne, comme était Mme Danton. Elle était, si nous en jugeons par le portrait et le buste, forte et calme, autant que belle et douce ; la tradition d’Arcis, où elle alla souvent, ajoute qu’elle était pieuse, naturellement mélancolique, d’un caractère timide.

Elle avait eu le mérite, dans sa situation aisée et calme, de vouloir courir ce hasard, de reconnaître et suivre ce jeune homme, ce génie ignoré, sans réputation ni fortune. Vertueuse, elle l’avait choisi malgré ses vices, visibles en sa face sombre et bouleversée. Elle s’était associée à cette destinée obscure, flottante et qu’on pouvait dire bâtie sur l’orage. Simple femme, mais pleine de cœur, elle avait saisi au passage cet