Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/60

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Au départ, le roi probablement n’était pas sans inquiétude. Il ôta son chapeau où était un plumet blanc et s’en mit un qu’il prit à un garde national. Les Tuileries étaient solitaires et silencieuses, déjà jonchées de feuilles sèches, bien avant le temps ordinaire ; le roi en fit la remarque : « Elles tombent cette année de bonne heure. » Manuel avait imprimé que la royauté n’irait que jusqu’à la chute des feuilles.

À mesure qu’on approchait de la terrasse des Feuillants, on apercevait une foule d’hommes et de femmes fort animés. À vingt-cinq pas environ de la terrasse, une députation de l’Assemblée vint recevoir le roi ; les députés l’environnèrent ; mais cette escorte ne suffisait pas pour tenir en respect quelques-uns des plus violents. Un homme, du haut de la terrasse, brandissait une perche de huit ou dix pieds : « Non ! non ! criait-il, ils n’entreront pas, ils sont cause de tous nos malheurs… Il faut que cela finisse ! À bas ! à bas ! » Rœderer harangua la foule ; et quant à l’homme à la perche qui ne voulait pas se taire, il la lui arracha des mains et la jeta au jardin, sans autre cérémonie ; l’homme resta stupéfait et ne dit plus rien.

Après un moment d’embarras causé par l’encombrement, la famille royale arrivant au passage même qui menait à l’Assemblée, un garde national provençal dit au roi, avec l’accent original du Midi : « Sire, n’ayez pas peur, nous sommes de bonnes gens ; mais nous ne voulons pas qu’on nous trahisse davantage. Soyez un bon citoyen, Sire… Et surtout