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tement levés dans Paris et dans les départements voisins. La fête n’en eut pas moins lieu le dimanche 27 ; mais cette fête des morts, pour un peuple qui se sentait trahi et vendu, se trouva en réalité la fête de la vengeance.

L’ordonnateur de la fête était Sergent, l’un des administrateurs de la Commune, homme de beaucoup de cœur, d’une sensibilité ardente, mais comme sont souvent les femmes, sensible jusqu’à la fureur. Graveur et dessinateur médiocre, il trouva ici, dans son fanatisme, une véritable inspiration. Jamais fête ne fut plus propre à remplir les âmes de deuil et de vengeance, d’une douleur meurtrière. Une pyramide avait été élevée sur le grand bassin des Tuileries, couverte de serge noire, d’inscriptions qui rappelaient les massacres qu’on reprochait aux royalistes : massacres de Nancy, de Nîmes, de Montauban, du Champ de Mars, etc. Cette pyramide de mort, élevée dans le jardin, avait son véritable pendant au Carrousel, l’instrument même de mort, la guillotine. Et toutes deux fonctionnaient de même : l’une tuait, l’autre semblait inviter à tuer.

À travers des nuages de parfums, les victimes du 10 août, les veuves et les orphelines, en robes blanches à ceintures noires, portaient dans une arche la pétition du 17 juillet 1791, qui dès lors avait en vain demandé la république. Puis venaient d’énormes sarcophages noirs, qui semblaient contenir, porter des montagnes de chair humaine.