Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/92

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Mais tu n’en as pas, pauvre fol ! Nous te les avons enlevées. »

Voilà l’image de la France. Elle s’éveillait et elle était surprise. C’était comme une grande chasse du monde contre elle, et elle était le gibier. L’Espagne et la Sardaigne, par derrière, lui tenaient serré le filet ; par devant, la Prusse et l’Autriche lui montraient l’épieu ; la Russie poussait, l’Angleterre riait… Elle reculait au gîte… et le gîte était trahi !

Le gîte était tout ouvert, sans mur ni défense. Depuis que nous avions épousé une Autrichienne, nous avions sagement laissé, sur la frontière la plus exposée, toutes nos murailles par terre. Bonne et crédule nation ! confiante pour Louis XVI, elle avait cru qu’il voudrait sérieusement arrêter les armées des rois, ses libérateurs ; confiante dans ses ministres, soi-disant révolutionnaires, elle avait cru les paroles agréables de Narbonne. « J’ai vu tout », avait-il dit. Il avait vu des armes, et il n’y en avait pas ; des munitions, il n’y en avait pas ; des armées, elles étaient nulles, désorganisées, moralement anéanties. Un homme peu sûr, Dumouriez, le seul qui n’eût pas reculé devant cette situation désespérée, se trouva un moment n’avoir que quinze ou vingt mille hommes contre cent mille vieux soldats.

Et le danger extérieur n’était pas encore le plus grand. Les Prussiens étaient des ennemis moins terribles que les prêtres ; l’armée qui venait à l’Est était peu en comparaison de la grande conspiration ecclésiastique pour armer les paysans de l’Ouest.