Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/108

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conscience dans la fixité du droit, la voilà mise un matin en face de cette étonnante épreuve. Qu’auriez-vous fait, vous tous qui maintenant calculez froidement ces choses ? En est-il un seul de vous qui aurait eu cette foi, plus qu’humaine et plus qu’héroïque, de dire : « Périsse la France ! périsse le genre humain, au moment de recueillir la moisson de la justice !… Et vive la justice pure ! abstraite ou vivante, n’importe. Elle ira inviolable et saura toujours ailleurs se bâtir un monde où régner. »

Foi terrible, au delà de ce qu’on peut attendre de la nature ! Mépriser toute apparence, toute vraisemblance et tout calcul ! Retirer sa main et voir si la Révolution, délaissée de la politique, se sauverait elle-même !… Nos pères n’eurent pas cette foi. Mais qui l’aurait eue ? Ils crurent qu’ils sauvaient la France, donnèrent à son salut le leur, leur âme et leur vie, leur honneur, plus encore, leurs propres principes.

Ils ne virent pas, et personne ne voyait alors ce que si aisément on voit aujourd’hui, ce que nous avons dit plus haut, c’est que la Révolution, submergée des flots, s’était, dessous, fait une base immensément large, incommensurablement profonde. Elle était fondée deux fois, dans la terre, dans la foi du peuple.

Celui qui, par la tempête, surpris dans un des forts de la digue de Cherbourg, voit bondir par-dessus sa tête la nappe effroyable, sent trembler les murs, ne voit plus et ne sait plus qu’il a sous les pieds la base