Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/118

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Robespierre, sans le connaître, le prie d’appuyer la réclamation du village ; il offre de donner, pour être vendu, son petit bien, tout ce qu’il a, comme domaine national.

L’offre fut-elle acceptée ? je l’ignore. Mais ce qui est sûr, c’est que Robespierre, qui aimait le désintéressement, accepta dès lors le jeune homme qui se donnait si noblement, sans réserver rien et sans regarder derrière. Il fut ravi d’avoir ce jeune fanatique à opposer, dans l’Aisne, aux hommes de ce département, à Condorcet, qu’il détestait, à Desmoulins, trop peu sûr. Ce fut, sans nul doute, par sa toute-puissante influence que Saint-Just fut nommé à la Convention, quoiqu’il n’eût que vingt-quatre ans. Le président du corps électoral, Jean Debry, protesta en vain.

La grandeur des circonstances, la noblesse peut-être aussi que donne à l’âme un acte de désintéressement et de dévouement, avaient fort relevé Saint-Just. Si son poème reparaît en 1792, il faut s’en prendre peut-être au libraire plus qu’à l’auteur. À ce moment, il semblait purifié. Il arrivait plein de pensées hautes et viriles. Il vivait dans l’intimité de Robespierre, participait à son austérité. Il avait pris aussi, on le sent trop, ses haines et ses défiances, les tendances d’un âpre censeur, d’un purificateur impitoyable de la République. Le programme donné par Robespierre même aux élections de Paris et reçu des Jacobins, épurer la Convention, c’était la pensée de Saint-Just. En entrant dans cette