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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/139

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Un autre Girondin, Fonfrède, voulait même (chose remarquable chez un député de Bordeaux) qu’on exclût aussi « les banquiers, les hommes d’argent, tous ennemis de la liberté ».

Plusieurs amis de Robespierre, n’osant attaquer en général le manifeste de Cambon, se dédommagèrent en combattant l’addition de Buzot. Mais Rewbell et autres Montagnards, plus raisonnables, l’appuyèrent, montrant par les faits que, si la Belgique allait mal, c’était justement parce qu’aux premières élections on avait nommé les nobles et les prêtres, les aristocrates. On avait constitué les loups gardiens des moutons.

Le décret du 15 décembre avait déployé au vent le vrai drapeau de la France, par-dessus tous les partis. Si l’on eût pu en douter, il fallait ne pas regarder dans tel club ou telle assemblée, mais savoir ce qu’en pensait la grande assemblée, le peuple. Il tressaillit tout entier, embrassant d’un cœur immense la suprême nécessité qui lui arrivait d’en haut. Le manifeste nouveau était celui de la croisade pour la délivrance du globe ; il annonçait aux tyrans que la France partait de chez elle pour sauver toute la terre… Quand finirait une telle guerre ? Comment s’arrêterait-elle ? On ne pouvait le deviner.

Mais, si la France tressaillit, croyez bien que le vieux monde tressaillit aussi. Il avait prévu notre audace, mais pas jusque-là. Il aperçut avec terreur qu’elle nous créait d’un mot l’alliance universelle des tribus sans nom, sans nombre, infinies comme la poussière et foulées comme la poussière. C’était