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Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/150

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d’un homme en parfait état de conscience, qui se sent juste et bien avec Dieu.

Sanguin et replet, comme il était, l’air, l’exercice, lui étaient fort nécessaires, il souffrait de la prison. L’humidité de la tour lui donna, à l’entrée de l’hiver, des fluxions et des rhumes. Sa sœur, Madame Élisabeth, jeune et forte personne de vingt-huit ans, avait le même tempérament ; dans sa très pure virginité elle souffrait beaucoup du sang, des humeurs. On fut obligé, au Temple, de lui établir un cautère. Elle passait le temps à coudre et raccommoder, ou bien à lire les offices. La pauvre princesse n’avait pas une dévotion bien haute, ni beaucoup d’instruction, si j’en juge par ses cahiers de jeune fille que j’ai sous les yeux. On avait essayé aux Tuileries de lui apprendre l’anglais et l’italien, et elle étudiait cette dernière langue dans le plus sot livre religieux dont personne ait connaissance, la Canonisation du bienheureux Labre, faite au dernier siècle.

Quelque inquiète que fût la surveillance de la Commune, ce jeune gouvernement révolutionnaire était si nouveau dans la tyrannie qu’on trouvait mille moyens, sous ses yeux mêmes, d’arriver à la famille royale. Il suffisait pour cela d’avoir l’air d’un furieux patriote, de crier, gesticuler, de vomir contre le roi des injures et des menaces. Non seulement la garde et les municipaux approchaient du roi, mais des ouvriers qui travaillaient à la tour, des inconnus même parfois, sans prétexte ni motif.