Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/182

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échappaient de son âme noble, bien près du sublime. Rien ne put, dans le procès, l’empêcher de dire : « Le roi », et (en lui parlant) : « Sire. » — « Qui donc vous rend si hardi ? lui dit un conventionnel. — Le mépris de la vie. »

Il était resté tranquille, chez lui, à la campagne, en 1793. Un tel homme ne songeait guère à émigrer. N’était-il pas sous la protection des grandes ombres du dix-huitième siècle ? Qu’aurait dit Rousseau, bon Dieu ! si on lui avait annoncé que ses inintelligents disciples tueraient le bienveillant censeur, le propagateur d’Émile, au nom même de ses doctrines ?

En octobre 1793, on arrêta son gendre, le président Rosambo, pour une vieille protestation du Parlement en 1789 ; faute réelle, certainement, mais enfin déjà ancienne d’un homme inoffensif, qu’on aurait pu oublier. Puis, le lendemain, sans cause ni prétexte, on arrêta Malesherbes. Il se montra indifférent, plutôt gai ; il aimait autant en finir.

Le seul témoin contre lui était un domestique qui lui aurait dit, en 1789, que les vignes avaient gelé, et Malesherbes aurait répondu : « Tant mieux ! s’il n’y a pas de vin, nos têtes seront plus sages. » Il ne voulut pas se défendre et s’en alla, en causant tranquillement, à la guillotine.

Le concierge de Monceaux (où l’on portait alors les corps des suppliciés), eut une preuve singulière du calme de Malesherbes. Quand il dépouilla son corps, il trouva, dans ses culottes, sa montre montée à