Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/216

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un roc (non sur l’utilité qui est variable, non sur la nécessité indifférente, immorale), s’asseoir sur le roc du droit.

Il fallait porter le procès dans cette île inaccessible qui est la justice, hors des mers et des orages de la politique. Et du haut de la justice, il fallait pouvoir dire au peuple : « Ce n’est point pour ton intérêt, pour nul intérêt humain, que nous jugeons ici cet homme. Ne t’imagine jamais que ce soit à ton salut que nous ayons immolé une victime humaine… Nous n’avons point pensé à toi, mais à la seule équité. Qu’il vive ou qu’il meure, le droit seul aura dicté son arrêt. » Le peuple, nous en répondons, aurait été reconnaissant ; il eût senti qu’un tel tribunal le représentait dignement. La grande masse de la nation (nous ne parlons pas de quelques centaines d’hommes qui hurlaient dans les tribunes), la nation, disons-nous, avait un besoin moral, que ni l’un ni l’autre parti ne sut satisfaire, le besoin de croire que Louis XVI n’était point immolé à l’intérêt.

Il fallait donner au cœur agité du peuple ce ferme oreiller, ce solide appui : le droit pour le droit ; ne pas permettre qu’il eût un moment l’inquiétude et le remords de croire que ses trop zélés tuteurs avaient tué un homme pour lui.

Plusieurs hommes dans la Convention étaient dignes, ce semble, de poser cette base stoïcienne, où la conscience publique, assise une fois, eût dormi pour tout l’avenir.